Le gouvernement vient de mettre le monde associatif sous les feux de la
rampe en lâchant (encore une fois) quelques chiffres sur les montants des
subventions publiques qui ont été injectées en 2013 dans les comptes des
associations.
Le chiffre qui a été dévoilé cette semaine par une brochette de ministres
PJDistes peut paraitre important … Il l’est sans doute : 1,6 milliard de
dirhams de subventions allouées au titre de l’année 2013.
A cette occasion, M. Lahbib CHOUBANI, ministre en charge du secteur
associatif depuis l’avènement du Gouvernement BENKIRANE, n’a pas manqué bien
évidement de semer lui-même le doute sur le sérieux et la probité des
structures qui bénéficient de ces subsides : manque de gouvernance, absence
de justificatifs, absence de contrôle.
Bien évidemment, M. Choubani ne laisse pas passer l’occasion pour lancer
l’autre chiffre médiatiquement important : plus de 220 millions de
dirhams de financement étrangers pour quelques 150 ONG marocaines.
On se rappelle de sa fameuses liste (il fallait bien qu’il ait la sienne…
on n’est pas ministre PJD sinon) de l’année dernière sur la même thématique.
M. Choubani oublie bien évidement de préciser qu’il s’agit là d’un
montant déclaratif que seules les associations les « mieux »
structurées et les « plus » transparentes rendent publique. Souvent,
ce genre de fonds est obtenu dans le cadre d’appels à projets des bailleurs de
fonds européens bien connus (U.E., Ambassades, Fondations, ONG
internationales). M. CHOUBANI connait sans doute les filières plus discrètes
qui inondent les associations d’un certain genre. Je ne pense pas qu’aux
associations dites « Islamistes » qui se financent auprès du
Wahabisme Khaliji, mais aussi de ces centaines d’associations qui reçoivent les
contributions généreuses de nos MRE.
M. Choubani n’a pas jugé utile de préciser la provenance de ces
subventions (ou alors c’est la faute aux journalistes puisque je ne retrouve
aucun document sur le site du Ministère).
On comprend des différents articles que j’ai pu lire que les 1,6
milliards de dirhams représentent l’effort consenti pas son gouvernement, mais
sans préciser si ce montant englobe les subventions octroyées par les
collectivités territoriales (on parle de 660 millions de dirhams), les différentes
agences (ADS, Agence de Développement…), les offices et autres entreprises publiques.
Depuis les deux années où il est en charge de ce département, M. Choubani
a laissé filer des chiffres variant entre 2 et 8 milliards de dirhams de
financement publiques dédiés à la société Civile.
Aucune précision non plus sur la place des fonds alloués dans le cadre de
l’INDH.
Cela dit, la véritable bombe lâchée par le Ministre ne semble avoir
retenu l’attention de personne : plus de 72% du 1,6 milliards de
dirhams de subvention ont été destinés aux fondations et autres associations s’occupant
des œuvres sociales dépendant des ministères et autres entreprises publiques.
Autrement dit, l’Etat Injecte 1,16 milliards de dirhams dans ces
structures.
En général, ces fondations et associations des œuvres sociales de tel ministère
ou tel office s’occupent en premier lieu du bienêtre de leurs adhérents
fonctionnaires relevant de leur personnel : villages de vacances, accès à la
propriété, aides diverses (aïd, mariages, baptêmes, obsèques…), colonies de
vacances, retraites complémentaires, couverture maladie complémentaire, bourses
d’excellence…
La plus emblématique parmi ces associations est sans doute le COS ONE ou
encore la Fondation Mohammed VI de Promotion des Œuvres Sociales de
l’Education-Formation.
En général, chaque département, chaque office ou chaque entreprise
publique dispose de son COS. Les Rbatis les connaissent très bien pour la
qualité (ou pas) de leur club de sport.
La gestion de ces structures a toujours été entourée d’un certain flou
artistique volontaire. Souvent abandonnés aux syndicats, les départements de
tutelle (au plus haut niveau) ont toujours plus ou moins réussi à les utiliser
comme des soupapes sociales : les syndicats sont contents de gérer
quelques millions de dirhams et les fonctionnaires sont heureux de pouvoir
bénéficier d’un bungalow a deux sous pour passer leurs vacances.
Autant dire que la transparence, la rigueur et la bonne gouvernance ont –
d’un commun accord – été laissées au second rôle, avec les conséquences que
l’on peut imaginer. Quelques exemple ici : Lire article de La vie Eco , Lire Article l’Economiste ; Lire Article Aujourd’hui le Maroc).
Enfin, les chiffres de M. Choubani ne montrent pas la répartition qui est faite de ces 1,16
milliards de dirhams.
Les Œuvres sociales ne sont pas mises sur un pied d’égalité et l’écart-type
est énorme. Il dépend en partie des effectifs de l’administration ou de
l’office en question, mais pas que. Le poids politique du ministère et/ou du
syndicat rentre aussi en jeux. Les fonctionnaires des collectivités locales, ne
sont pas ceux de la Justice, de l’équipement, ou encore de l’intérieur.
Et lorsque le Roi s’en mêle, une Fondation d’œuvre sociale se retrouve
catapultée comme l’a été par exemple la Fondation Mohammed VI de Promotion des
Œuvres Sociales de l’Education-Formation qui bénéficie d’une subvention égale à
2% de la masse salariale des deux ministères (Education et enseignement
supérieur) et qui bénéficie d’une organisation et d’une gestion quasi
irréprochable.
Ce constat invite deux questionnements.
1/ Peut ont réellement considérer
ces 1,16 milliards de dirhams comme des aides aux associations ?
2/ Peut-on se plaindre du manque de transparence lorsque l’essentiel des
aides vont vers des structure plus ou moins directement sous la tutelle de des
départements ministériels ?
Je me risque à des réponses :
1- Pour une meilleure lisibilité de efforts consentis par le gouvernement au
bienêtre de ses fonctionnaires, j’aurais personnellement valorisé ces 1,16
milliards de dirhams dans un cadre plutôt RH. Il est tout à fait normal (c’est
même un devoir) que l’employeur s’investisse ainsi dans la valorisation de son
capital humain. Les COS ont permis à plusieurs générations de marocains
de découvrir les vacances et ont été de véritable catalyseur du dynamisme de
plusieurs stations et centres d’estivage. Que serait Sidi Bouzid son COS
ONE, Immouzzer sans ses colonies de vacances, Ifrane sans ses chalets, et
le tennis sans ses Clubs (Equipment, Justice, BAM….).
Donc non seulement, il ne s’agit pas à mes yeux de fonds destinés à des
associations, mais compte tenu des sommes importantes, il s’agit pour l’état de
se doter d’une véritable vision et d’une politique sur son action pour la
promotion des œuvres sociales, de manière à en garantir l’efficacité, l’équité
et l’impact.
2- Il est important que le Gouvernement prenne ses responsabilités pour
imposer la rigueur et la transparence nécessaires dans la gestion de ces
structures. C’est son rôle entant que bailleur de fonds, c’est son devoir en
tant que partenaire social, et sa mission en tant que dépositaire de la
confiance (et des impôts) des marocains.
Donc à y voir de plus près, ce ne sont plus 1,6 milliards de dirhams qui
vont dans les caisses de la « société civile » mais seulement 450
millions de dirhams que se répartissent ainsi une grosse poignée d’associations.
Sur ce montant, près de 50 millions de dirhams ont été alloués à des
associations qui ont investi un secteur qui a été abandonné par l’état : la
gestion des orphelinats, des centres sociaux et autres centres d’accueil pour
personnes vulnérable.
Les 400 millions restant sont destinés, le plus souvent à couvrir les
défaillances de l’Etat dans plusieurs secteurs sociaux, éducatifs,
environnementaux, économiques …
Ce que Lahbib Choubani omet de dire aussi, c’est que ces aides et ces
financements accusent très souvent le grands retards, auxquels s’ajoute la grande complexité procédurale et que vient compliquer le manque flagrant de fiabilité des
engagements de l’Etat. Les exemples sont malheureusement très nombreux.
Tout acteur associatif qui se respecte ne peut qu’applaudir devant la
volonté affichée de l’Etat de mettre de l’ordre dans le domaine.
J’ai personnellement salué le fait d’ériger « les relations avec
la société civile » au rang de département ministériel (la tutelle
réelle reste cependant entre les mains de l’Intérieur et du SGG).
L’avènement de la commission de dialogue avec la société civile a aussi
été une chose positive et j’attends avec impatience (mais avec beaucoup de
scepticisme aussi depuis que j’ai assisté à une de ses réunions) ses
conclusions.
Toutefois, j’ai le sentiment que M. CHOUBANI a pris le dossier par le
mauvais bout. Ce dont le secteur associatif a besoin ce n’est pas d’un ministre
qui se contente d’être une caisse de résonance des accusations, parfois
justifiés et souvent populistes, sur les financements « occultes » et
sur « la rente associative » mais plutôt d’un département qui donne enfin
un véritable cadre juridique et institutionnel pour favoriser son développement.