jeudi, juillet 25, 2013

Lettre au Ministre des Transports


Monsieur le Ministre des Transports,

Je souhaitais vous présenter mes plus vifs remerciements et mes sincères félicitations pour le travail accompli par votre département ministériel. Mes remerciements d’abord pour l’action positive de votre ministère, qui m’a permis de découvrir en moi le conducteur citoyen extrêmement respectueux du code de la route, communément vilipendé sous le nom de « Moudawana ». Mes félicitations ensuite pour avoir enfin donné corps à au concept de rapprocher l’administration du citoyen, un slogan bien trop souvent galvaudé et systématiquement vidé de son sens. 

Ma gratitude et mon administration ont été nourri par une expérience personnelle que je souhaiterai partager avec vous.

J’avoue Monsieur le Ministre : j’ai perdu mon permis de conduire dans ces circonstances qui reste encore aujourd’hui indéterminées. Sans vouloir jeter l’anathème sur les autres,  la forme du permis rouge, qu’aucun portefeuille ne support, ne facilite pas les choses non plus pour quelqu’un comme moi, appelé à conduire différents véhicules, et donc obligé de trimballer son permis constamment sur moi.

Cela dit, je ne pensais pas qu’en entamant les démarches administratives pour remplace mon »permis-brochure », je me lançais dans une aventure humaine aussi fascinante que rocambolesque. Merci de prendre la peine de la vivre avec moi à travers mon récit.

Dés que je me rendis compte de la perte de mon permis, je me suis rendu au commissariat de mon quartier pour établir une déclaration de perte.  Démarche toute simple me diriez vous ! Encore faut-il disposer d’une copie du document perdu… « N’importe quel document officiel avec le numéro du permis » me lance le gentil flic dans une démarche conciliante lorsqu’il se rend compte de mon incapacité a assimiler pleinement sa demande  … « une contravention, un document de l’assurance… ».  Rien n’y fait, j’était dans l’incapacité total de fournir ce numéro.

C’est là ou la première phase de l’expérience humaine démarre, vécu par procuration par un membre de la famille vivant à rabat et ayant ses « introductions » auprès de vos services en charge du permis à Rabat.

Ce qui semblait être un requête toute simple : Avoir le numéro du permis à partir d’un numéro de CIN, s’avère être un véritable parcours du combattant. 4 mois de lobbying et d’interventions divers et variées ont été nécessaires pour obtenir, un gribouillis de mon numéro de permis, sur un bout de papier qui accède au rang de document officiel grâce à un cachet. 

Durant toute le processus, j’ai dû, sans que cela ne soit exhaustif : Tenter de me rappeler le jour exacte de mon examen passé il y a plus de 15 années, essayer de me rappeler du nom ou du visage de mon examinateur, retrouver l’auto-école auprès de laquelle je me suis inscrit – elle a malheureusement fait faillite-.

Inutile de préciser que toutes ses démarches se sont passées dans une ville –Rabat- dans laquelle je ne vis plus depuis plus de 10 ans. Plusieurs déplacement on été nécessaires et heureusement, j’ai pu compter sur la mobilisation d’un membre de la famille tout au long du processus.

Avec mon précieux sésame, je me rends tout fier chez mon ami policier conciliant, qui a eu besoin d’une dose supplémentaire de consilience pour accepter le fameux bout de papier remis par vos services.

Ma déclaration en main, je me rends encore une fois auprès de vos services, cette fois ci dans la ville où je réside, pour entamer les démarches de remplacement de mon permis. Informé de tous les documents demandés, je me mobilise toute une semaine pour expédier une affaire qui n’a trop duré.

650 dirhams et 3 demi-journées de travail perdu plus loin, je me présente, pas peu fier, encore une fois devant la préposée au guichet du service chargé de la délivrance des permis de conduire relevant de la délégation de votre ministère à Casablanca. Constant que tout est nickel, la gentille dame me remet un reçu de dépôt, et m’informe calmement qu’elle devait envoyer un fax a Rabat – ville ou j’ai passé mon permis- pour s’assurer que mon permis existe bel et bien.

Tout en esquissant un sourire moqueur lorsque je tente de faire prévaloir le fameux bout de papier obtenu non sans peine auprès des services de Rabat, elle m’explique gentiment que je devait revenir, dans une semaine ou deux, le temps que Rabat envois une confirmation.

Allons ! Me dis-je … le pire est passé … une petite semaine, comparée aux 4 derniersmois, ce n’est rien …

Un mois plus  tard, deux fois refoulé car « Les gens de rabat ne sont pas sérieux, il tardent beaucoup à répondre à nos fax » … Je me résigne à appeler encore une fois a repartir à Rabat, escorté de ce membre de ma famille avec qui j’ai pu -grâce à vous- tisser des lien très solide, pour les inciter à répondre avec plus de diligence à leur collèges de Casablanca.

Je me lance dans le sprint final, avec toute la force de l’espoir d’obtenir enfin mon précieux document, pour n’obtenir finalement qu’un document temporaire … Les permis définitif étant préparé par je ne sais quel entreprise spécialisée dans la production de documents sécurisés.  

En perdant mon permis de conduire, j’ai découvert, au bout de 6 mois de procédure, les hommes et les femmes fantastiques qui peuplent vos différents services dans différentes villes. J’ai passé avec eux des heures incalculables, à demander, à supplier, à quémander un service, un « plaisir ». J’ai promis à un nombre important d’entre de ne pas les oublier … d’avoir une pensée spéciale pour eux.  Si ca ce n’est pas rapprocher l’administration du citoyen, je me demande bien ce que ca peut bien être.

Après, vous vous doutez bien que durant ces 6 mois, j’étais privé de mon permis de conduire.  Vous pensez bien que durant toute ces période, je n’ai pas pu me résigner à renoncer à la voiture comme mode de transport.  Malgré le tramway de Casablanca, les trains nauséabonds  de l’ONCF – une entreprise publiques que vous connaissez certainement très bien- et les avions en retard de la RAM – elle aussi sous la tutelle de votre administration), j’ai continué à utiliser la voiture pour mes déplacements, sans avoir de permis de conduire.  Bien que je me comporte généralement en bon conducteur, j’ai appris, durant ces 6 mois à devenir un conducteur irréprochable. La peur de me retrouver nez un nez avec un policier pas très conciliant, m’a fait adopté un style de conduite exemplaire.  J’espère que le reflexe remplacera la peur, et que je continuerai à être  aussi intransigeant avec le code de la route.

On ne se rend véritablement compte de la valeur d’un vulgaire permis de conduire que lorsqu’on le perd, j’ai compté environs 4 000,00 dirhams en intégrant les frais de timbre, frais médicaux, les demi-journées non travaillées, les déplacements, les cafés (les miens), les cafés (ceux de vos fonctionnaires), et tout le reste

Grâce à votre administration, j’ai pu ainsi vivre une histoire incroyable. Tout le mérite vous en revient – Certainement a vos prédécesseurs aussi-. Une histoire jalonnée de rencontres magnifiques, de déplacements, de demi-journées de congés, d’heures interminables à respecter les filles d’attentes que personne ne respecte, d’échanges passionnant avec des fonctionnaires qui m’expliquent le bien fondé de la bureaucratie, de négociations avec des gens peu conciliants, de remerciements pour les gens naturellement conciliants.

Pour tout cela, croyez, Monsieur le Ministre des Transport, en ma très sincère et éternelle gratitude. 

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