lundi, avril 29, 2013

Réformer la fiscalité pour un pacte de citoyenneté

Note du Bloggeur :
Cette réflexion est le fruit d'une collaboration entre deux mouvements « Clarté – Ambition – Courage CAC » et «Anfass pour la démocratie », menée et pilotée par Mehdi Taam.   Cette contribution est une participation au débat public sur la réforme de la Fiscalité à l'occasion des assises.  
Le CAC vous connaissez certainement, c'est le mouvement qui s'est constitué avec et autour de Omar Balafrej et d'autres.. Anfass est quant à elle l'idée plus ou moins aboutie d'une association regroupant un certains nombre de jeunes et de moins jeunes à laquelle j'ai le plaisir de participer.
Je reviendrai certainement sur cet espace pour parler de ce projet "Anfass".  
Bonne Lecture
Ce texte a également été partagé ici et ici, au cas ou vous souhaiteriez en debattre avec d'autres personnes.



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Réformer la fiscalité pour un pacte de citoyenneté

A l’occasion des Assises de la Fiscalité, nous, mouvements « Clarté – Ambition – Courage CAC » et «Anfass pour la démocratie », soumettons cette contribution en guise de participation au débat public, et en assumant notre droit et notre devoir de citoyens de proposition et de participation à la vie publique.
Alors que la juridiction marocaine a évolué vers l’instauration de droits socio-économiques et l’affirmation du caractère social de l’Etat, la pratique politique ne favorise pas toujours l’émergence d’une doctrine sociale marocaine et sa mise en œuvre à travers des politiques concrètes et efficaces. Dès lors, la responsabilité incombe à la classe politique de formuler des visions et des projets capables de résorber les déficits sociaux et placer le Maroc sur une trajectoire de développement économique.
Nous œuvrons à l’instauration d’une pratique politique responsable, innovante et intellectuellement productive.
La fiscalité : Une problématique à mieux formuler :
La fiscalité, un instrument au service du projet de société.
Le Maroc dispose de potentialités importantes : une population dynamique ; une structure familiale encore développée ; des richesses économiques et d’autres atouts lui permettant un décollage économique. En même temps, le Maroc enregistre des déficits sociaux pénalisants et des disparités économiques et géographiques qui s’exacerbent. Le Maroc a perdu 30% de sa note de l’indice de développement humain, publié par le PNUD, à cause des inégalités, notamment celles liées à l’accès aux services de la santé et de l’éducation.
Il est à rappeler que ce débat sur la fiscalité s’ouvre dans un contexte macro-économique difficile, impacté par la crise économique international et par l’insuffisance des réformes structurelles. Le déficit public serait de 8% en 2013 et met nos finances publiques sous stress.
La décennie qui s’annonce constitue une opportunité de transition démocratique et de développement économique si elle est bien préparée, et en même temps elle sera confrontée à des défis structurels liés à la mondialisation et à la transition démographique.
Le Maroc a fait clairement le choix d’ouvrir son économie sur le commerce international, en s’alliant, dans le cadre de plusieurs accords de libres échanges, à de grandes puissances économiques mondiales et régionales. Le modèle de développement économique  sera toujours secoué, tant qu’il ne trouve pas une voie de compétitivité pour capter des investissements, substituer certaines importations par la production locale et se situer clairement sur des créneaux exportateurs prometteurs.
La démographie marocaine, à l’instar des pays arabes, a enregistré des mutations profondes en termes de taux de natalité et de reconfiguration de la structure familiale. La maturité de cette transition démographique ne sera atteinte qu’en 2030, période à laquelle la structure démographique se stabiliserait. Entre temps, le Maroc continuera à enregistrer un flux importants et croissant des demandeurs d’emploi et un vieillissement progressif de sa population.
Ainsi, si le Maroc souhaite résorber les déficits sociaux, il devra se doter des moyens financiers à la hauteur de nos ambitions et qui consistent en :
  • L’amélioration du système de santé au Maroc
  • la réhabilitation de l’école publique et de tout le système éducatif
  • la réforme de la justice
  • la compétitivité industrielle
  • et la sécurité sociale
Nous, mouvements « Clarté – Ambition – Courage CAC » et « Anfass pour la démocratie », pensons que ces objectifs sont atteignables. Il suffit de tracer le bon plan et faire converger les bonnes volontés.
Le débat actuel sur la fiscalité doit mettre en évidence qu’elle est un instrument au service du projet de société prôné.
Réformer la fiscalité pour un pacte de citoyenneté
Sur le volet fiscal et des finances publiques d’une façon générale, l’effort fiscal est supporté par une partie des citoyens et d’agents économiques, la soumettant à une pression fiscale significative, et privant l’Etat d’un manque à gagner en recettes importantes et nécessaires. En plus des charges fiscales, plusieurs foyers supportent d’autres frais liés à l’éduction de leurs enfants, la santé, le transport et la culture. Ainsi ils se voient payer un impôt réel nettement supérieur à l’impôt nominal, du moment qu’ils supportent à titre privé des dépenses du ressort de l’Etat.
La même situation est enregistrée pour la fiscalité des sociétés, où une infime partie des entreprises contribuent à l’IS alors que d’autres sociétés continuent à déclarer des déficits chroniques.
Outre les effets économiquement improductifs de ces anomalies fiscales, la notion même de citoyenneté est remise en cause, tant que la contribution à l’effort public n’est pas partagée. La fuite de l’impôt risque de s’instituer et fragiliserait les fondements même de la société.
Les défis sociaux et économiques ne peuvent être relevés, pour mieux préparer l’avenir, que dans le cadre d’un élan citoyen responsable, qui renforce les solidarités, ouvre les chances à chaque marocain et favorise la croissance.
Notre contribution à ce débat, s’attache tout d’abord à la nécessité de définir un  pacte sociale, autour d’une vision et d’un projet politique clair, ensuite définir les moyens nécessaires à le financer, à travers les recettes fiscales. Sinon, le débat sera toujours aligné sur le cadre des finances publiques actuelles, et où la tentation de réduire les dépenses publiques tend à l’emporter systématiquement sur l’éventualité et l’opportunité d’augmenter les recettes fiscales et se doter de moyens suffisants pour financer une ambition.

Etat des lieux :
La comparaison du ratio de nos recettes fiscales, par rapport à notre PIB, montre que le Maroc reste en dessous des pays à forte tradition sociale, à la moyenne des pays de l’Union Européenne et de certains pays modèles de l’émergence (Brésil, Turquie). La comparaison avec les pays de l’UE et les pays à fortes traditions sociales (Suède, Norvège, Allemagne et France) n’est pas anodine, car d’une part le Maroc bénéficie d’un statut avancé avec l’UE ce qui l’oblige à une convergence progressive vers le standard économique et social des pays de l’UE. D’autre part, l’Etat a un rôle central dans le développement socio-économique dans ces pays, ce qui a été toujours le cas pour le Maroc qui se développait autour d’un Etat fort. L’exemple des pays émergents nous renseigne quant à lui sur une voie de développement à scruter et à adapter à notre contexte. Alors qu’au niveau de l’Union européenne les recettes fiscales représentent en moyenne 41% par rapport au PIB, en Brésil et Turquie autour de 35%, le Maroc affiche un ratio de 24%. Une particularité aussi de notre système est que les recettes fiscales restent faiblement sensibles à la croissance du PIB, ce qui témoigne que les marocains ne bénéficient pas suffisamment des politiques de croissance, en moins en terme d’amélioration de qualité de vie et de services publiques. Alors que des secteurs, comme l’agriculture et l’immobilier, constituent des composantes importantes du PIB, ils ne contribuent que faiblement dans les recettes fiscales, sous l’effet d’exonérations massives et sans effets économiques ou sociaux notables.
La question centrale sur la fiscalité et qui nous interpelle est de définir notre potentiel fiscal : quel niveau de recettes fiscales est nécessaire pour notre développement socio-économique ?
Il est certain que le niveau actuel (24% du PIB) ne permet pas une redistribution suffisante, un investissement public créateur de richesse, le développement de services publics, le financement de la santé public et du troisième âge, la culture et l’enseignement de qualité. Sans se projeter dans l’avenir, les difficultés sont déjà ressenties et le niveau actuel ne pourvoit pas aux besoins des citoyens. Garder le même niveau face aux défis à venir, ne laissera aux décideurs publics que le choix de la réduction de la dépense, mais à quel coût social et économique ? Le Maroc a déjà vécu cette expérience douloureuse par le passé.
Propositions et recommandations :
Dans le cadre de notre vision, nos propositions fiscales visent l’émergence d’un véritable pacte citoyen basé sur :
  1. L’investissement dans le développement humain à travers l’enseignement, la santé et la culture
  2. La solidarité et la protection des démunis, les laissés pour compte et les marginalisés
  3. Et l’équité sociale, qui se base sur la contribution de tous les citoyens aux dépenses fiscales, chacun selon ses capacités contributives.
Cette ambition nécessite des moyens publics pour la concrétiser et nous estimons qu’un potentiel fiscal important reste non exploité. A cet effet, et dans le cadre d’une justice sociale et justesse économique, nous proposons :
  1. L’augmentation progressive des recettes fiscales de 10% du PIB dans un horizon de 10 ans.
  2. L’utilisation de la fiscalité comme moyen de pilotage économique, pour limiter les situations de rentes et les placements improductifs, et diriger les sources de financement de l’économie vers les secteurs créateurs de valeur ajoutée.
  3. L’imposition équitable du travail et du capital
  4. L’adaptation de la fiscalité aux réalités sociales, notamment à travers l’introduction d’une fiscalité de ménage, permettant certaines déductions liées à l’acquisition de logement, à l’éduction, la santé et à l’épargne.
  5. Instauration de la transparence en matière de recettes et dépenses fiscales et instauration des bases du droit à l’information en temps réel.
Afin de réhabiliter la citoyenneté, il est nécessaire que la contribution fiscale devienne universelle, où chaque citoyen est obligé de procéder à une déclaration, dans un cadre de discipline globale et de transparence administrative. Se dérober de cette responsabilité constitue une menace pour la communauté. A cet effet, nous proposons le renforcement de l’arsenal juridique pour garantir les droits des contribuables et prévenir la fraude et l’évasion fiscale. La pénalisation de certaines sanctions contre la fraude et l’évasion fiscale permettent de préserver le système fiscal et lui conférer toute son efficacité.
Nous estimons que le Maroc a des potentialités énormes de développement, qui méritent d’être exploités pour prospérer socialement et économiquement, sous une vision politique claire et cohérente. La fiscalité constitue une pierre angulaire dans notre vision, outre ses vertus économiques et ses fonctions redistributives, elle permet surtout  de rassembler autour d’un pacte citoyen. Nos propositions émanent de la conviction qu’à travers la fiscalité nous renforçons notre pacte et nous nous dotons des moyens de nos ambitions.

NB : Un rapport détaillé sera diffusé pour étayer toutes les données économiques et techniques énoncées dans cette note de synthèse.

Contact :
Pour le mouvement « Anfass pour la démocratie » : Mehdi Taam ( mehdi.taam@gmail.com )
Pour le mouvement « Clarté – Ambition – Courage CAC » : Omar El Hyani  (omar.elhyani@gmail.com )

2 commentaires:

hmida a dit…

C'est réconfortant de voir des jeunes réfléchir ensemble POUR une idée et non pas militer CONTRE quelque chose!

La fiscalité est un élément essentiel de la vie d'un état : elle en détermine la vision et l'action, plus que les déclarations de ses politiciens.

Bon courage dans cette entreprise!

salvadorali a dit…

@ le politiconaute

Réformer la fiscalité revient à réformer l'état dans les fondements mêmes du contrat démocratique : non seulement les finances publiques sont le nerf de la guerre mais de plus il s'agit de faire en sorte que les citoyens contribuables soient heureux et même fiers de payer leurs impôts au lieu d'avoir l'impression d'être pressurés voire rackettés...

mais à quoi bon des impôts, réformés ou pas, dans la tendance actuelle dominante vers un minimalisme étatique où l'état n'aurait pu besoin d'être financé puisqu'il n'aurait plus la charge effective de rien : milices privées à la place de la police et de l'armée, écoles et hôpitaux privés, etc.

le grand professeur amalou aurait conclu : si vous ne vous occupez pas de finances publiques, les finances publiques s'occuperont de vous ;-)