jeudi, avril 05, 2012

La presse dans tous ses états


Le Ministre de la Communication vient ainsi de balancer Mardi dernier deux malheureuses pages PDF sur le web mettant à nue les accointances entre la presse nationale et le pouvoir.  A voir les sommes en jeux, je comprends parfaitement la servilité du quantième pouvoir du plus beau pays du monde.
Avant de rentrer dans une petite analyse des chiffres, revenons un peu à l’essence même de cette idée farfelue que s’est mis l’état d’aide financièrement les entreprises de presse.

Rappelons-nous que par le passé l’entreprise de presse Marocaine se limitait, hormis quelques heureux accidents, aux journaux des partis dans le cadre de montage financiers assez douteux et d’une confusion parfaite qui régnait à l’époque entre l’argent du parti et le patrimoine du Zaim. De plus, chaque journal possédait sa propre imprimerie. L’Etat faisait jouer une sombre histoire de subvention sur le prix du papier pour rétribuer la presse partisane.
  
L’avènement de l’alternance a été précédé par un développement important de la presse dite indépendante.  De valeureux journalistes s’entouraient de douteux homme d’affaire pour créer de véritables entreprises de presse. Le développement rapide de cette presse à faire qu’au bout de 10 ans. La presse dite indépendante s’est positionné comme leader du marché avec plus de 80% du titrage de la presse nationale payante calculée par l’OJD. Ceux qui se rappellent de l’opinion des années 80 ou encore de libération ou al Bayane peuvent encore 20 ans après s’y retrouver aujourd’hui tellement cette presse ne s’est pas développé.

Du coup à partir des années 2000, la nouvelle génération des patrons de presse a commencé à lorgné sur le gâteau que se partageant jusque là le presse partisane… Les patrons de presse regroupés au sein de la FMEJ font pression sur le gouvernement et obtienne en 2005 gain de cause à travers la mise place d’un contrat programme pour la mise à niveau de l’entreprise de presse. En gros, l’Etat donne des sous à des éditeurs qui s’engagent à aller vers une meilleure organisation, une plus grande transparence et une certaine éthique du journalisme.

Une commission Paritaire est constituée pour gérer et suivre ce contrat programme.

L’Etat met chaque une quarantaine ne millions de subvention qui est reparti entre :
  • Subvention pour achat de papier de presse, 30% a 40% du prix du papier, plafonnée à 2 Millions dirhams et un plancher à 160 000
  • Subvention pour le cout des télécommunications, 120 000 DH/ titre et 160 000 pour un groupe de presse
Sur les condition l’éligibilité, Cela reste assez vague : que des engagements de bonne intention de part des entreprises de presse : Engagement de publication des tirages , Engagement d’honneur que la publicité ne doit pas dépasser 50% comme moyenne annuelle de l’espace de la publication ; Engagement de l’entreprise à respecter la convention collective cadre des journalistes professionnels ; Engagement de publication des tirages ;Engagement d’adhésion à l’OJD , engagement de publication des comptes … enfin que des engagements que beaucoup d’entreprises de presse pour ne pas dire toutes ne semblent pas respecter.

Sinon regardons ces chiffres de plus prêt :

En 7 ans, l’Etat a subventionné 75 titres pour un montant total de près de 300 millions de dirhams. Même pas la moitié de ces titre sont affiliés à l’OJD. En croisant avec les chiffres de  l’OJD disponible, les 30  titres membre de l’OJD totalisent à peine 1 millions d’exemplaire quotidien et d’accaparent 75% de la subvention.

Rapporté au tirage, l’Etat donne 20 centimes sur chaque exemplaire sorti des imprimeries. Ce montant peu aller jusqu’à 50 centimes si ont rapport ca à l’exemplaire diffusé. A Un journal comme Al Harka du mouvement politique éponyme qui vend a peine plus de 1000 exemplaire par jour a reçu plus de 6 millions de dirhams entre 2005 et 2011. Dont chaque exemplaire vendu à 3 DH rapport au titre 2,4 DH de subvention publique.


Quelques indicateurs :

  •           54% des subventions vont vers de la presse arabophone.
  •           94% des subventions vont vers une presse à diffusion nationale contre 6% seulement pour la presse régionale
  •         30% de la subvention vont vers une presse partisane
  •           5 groupes de presse s’accaparent 30% de la subvention.


La presse partisane sous perfusion


La presse partisane avec un peu plus de 12 titres s’accapare 30% de l’enveloppe globale distribuée depuis 2005, soit plus de 91 millions de dirhams.  En termes de Redership, avec a peine 12% du tirage,  ils sont de loin dépassés par la presse indépendante.

La majorité s’est bien servie dans le pot commun puisque l’essentiel a été réparti entre la presse de l’USFP, de l’Istiqlal et du PPS.

Parti
Subvention
Tirage
PI
27 115 592
      63 835   
USFP
21 305 614 
      34 467
PPS
13 990 267
NC
UC
7 692 217 
NC
PJD
7 548 923
        7 062
MP
6 275 482
        1 200  
RNI
4 507 655
NC
divers Gauche
3 050 001
NC
Total général
91 485 751


Groupe de Presse : Ecomedia prend 10% de la subvention


Charité bien ordonnée commence par soit même. Le groupe Ecomedia, dirigé par Abdelmounaim Dilami, celui la même qui a tout fait pour que les éditeurs indépendant aient leur part du gâteau et a négocié le contrat programme avec la casquette de la FMEJ aura touché en 7 ans plus de 30 millions de dirhams pour ces deux titre Assabah et l’Economiste.

L’autre grand bénéficiaire reste le groupe Maroc soir qui ne peut être casé ni parmi les indépendant, ni parmi les journaux partisans. Le canard du palais a touché la bagatelle de 23 millions de dirhams en 7 ans.  

Le groupe caractère du M. Akhennouch et ses 3 titres ont reçu prés de 13 millions de dirhams, tandis que Rafik Lahlou, qui s’est concentré sur Challenge Hébdo et Lalla Fatima a reçu 9 millions de dirhams.

Le groupe Telquel, lui a eu 10 petits chèques totalisant plus de 11 millions de dirhams, dont 3 libellés au nom de feu Nichane, magazine sabordé par le groupe a cause du « boycott économique du Pouvoir ».

Je profite de cette occasion pour note que feu le Journal Hebdo n’a jamais bénéficié, par choix, de cette subvention. Il aurait de toutes les manières été déclaré inéligible car il ne déclarait pas ses journalistesJ.

Groupe/titre
Subvention
Tirage
Ecomedia
30 883 456
    122 904   
1-       Assabah
 16 311 640
      98 694
2-       L'Economiste
 14 571 816
      24 210   
Maroc Soir
 23 701 289
      41 848   
1-       AlMaghribia
   6 039 400
2-       LeMatinduSahara
 17 661 889
      41 848   
Caractère
 13 202 105
      66 901   
1-       Femmesdumaroc
   1 939 478
      18 747  
2-       La Vie Economique
   8 776 749
      23 332   
3-       NissaeMinAlMgrib
  2 144 348   
      24 822   
Telquel
 11 307 055
32707  
1-       Nichane
   2 352 101
2-       TelQuel
   8 954 954
      32 707   
Lahlou
   9 043 214
      56 981   
1-       ChallengeHebdo
   3 339 247
      20 194   
2-       La Gazettedu Maroc
   5 103 967
3-       LallaFatima
     600 000
      36 787   



Tout le monde en profite mais à des degrés moindre


Tous les « grands » titre de la presse nationale ont leur part du gâteau, et on comprend assez mal les critères de rétribution.

Ainsi, les 100 000 exemplaires tirés par El Massae (6 millions de dirhams, mais uniquement sur 3 ans) lui rapportent pratiquement la même chose que les 30 000 de Al Ahdath (16 millions de dirhams sur 7 ans) ou les 11 000 exemplaires de Aujourd’hui le Maroc.  A ce titre, notons la prouesse extraordinaire de Aujourd’hui le Maroc dont le patron, actuellement aux destinées de la MAP a reçu plus de 13  millions de dirhams de subvention. De quoi faire grincer de la moustache notre ami Fahd Yata qui n’a touché que 5 millions de dirhams.

Titre
Subvention
Tirage OJD
AL Ahdath
16 676 368  
             29 367
Aujourd'huile Maroc
13 147 534  
             11 560  
Maroc Hebdo
  9 861 862  
             17 000
Annahar Al Maghribiya
  8 723 559  
               5 030
Al Ayam
  8 683 808  
             33 938
AL Massae
  6 000 000  
           137 023
La  Nouvelle Tribune
  4 865 667  
             14 906
Finances news
  3 529 326  
             11 915
AL Mountakhab
  3 430 463  
             34 895
Le Reporter
  3 097 156  
NC 
Al Watan Al Ane
  2 801 061  
 NC
Economie et Entreprise
  2 377 389  
               9 917
Akhbar Al Yaoum Al Maghribiya
  1 800 000  
             29 880
Asdae
 2 209 455  
NC
Al Ousbou3 Assahafi
 1 289 391  
               4 889
AlMichaal
 1 005 709  
             23 721



De petits titres de presse reçoivent chaque année des chèques aux sommes complètement décorélés par rapport à leur présence dans les kiosques. Finance News Hebdo, le Roporter….

Du reste, une bonne partie des 75 titres subventionnés sont de parfait OVNI. Cela ne les empêche pas de toucher l’argent de la subvention. Vous doutiez vous seulement de l’existence de titre comme, Chabab Al Arab, Al Intifada, Al Hakika Al Ousbou3iya, Fadae Al Hiwa, Assafae

Et La presse régionale ?


Alors que l’effort de l’état doit plutôt aller vers le renforcement de la presse régionale plutôt de que de filer de gros chèques au mastodonte du secteur, il lui tourne plutôt le dos, même pour des titres assez présent dans leur territoire. Chaque année, les titres régionaux reçoivent les petites miettes.




Télécharger le documents sur les subventions de la presse nationale en format exploitable (XLS) ici 
Si vous notez des erreurs (periodicité, langue, tirages...) merci de me faire signe pour que je puisse le corriger.  

1 commentaire:

hmida a dit…

Excellent exercice qui permet d'y voir clair dans ce "fond de la jarre" que constitue la presse marocaine.

L'affaire comme tu la présente est aussi grotesque, incongrue et surtout inacceptable que les fameux "grimats".

On comprend mieux aussi les prises de position de certains titres!

Je te rejoins sur la nécessécité de donner un coup de main à la presse régionale : mais peut-être qu'avec la régionalisation avancée, ce sera fait!

Bravo pour l'effort et bon retour sur la blogoma!